Un slogan, une forme, une marque… Have a Kit Kat !

21 Sep 2015 | Marques, Toutes

La société Nestlé, qui commercialise les barres chocolatées KIT KAT, a déposé une marque tridimensionnelle portant sur la seule forme des barres chocolatées, forme qui est restée quasiment la même depuis le lancement du produit il y a 80 ans :

Sa concurrente Cadbury a formé opposition contre cette marque, tant devant l’office communautaire (l’appel à l’encontre de la décision d’enregistrement de la marque par la chambre de recours de l’OHMI est en cours devant le Tribunal) que devant l’office britannique, invoquant que la forme des barres chocolatées est imposée par la nature même du produit, est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, et ne présente pas de caractère distinctif.

L’enjeu de cette affaire est important et à la croisée des droits de propriété industrielle. Il s’agit de préciser les critères permettant à une société de s’assurer un monopole perpétuel en obtenant l’enregistrement d’un signe tridimensionnel en tant que marque.

La Haute Cour de justice, saisie par Nestlé à la suite du refus à l’enregistrement émis par l’office des marques, pose les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice (CJUE, aff. C-215/14, 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé / Cadbury UK) :

  1. « Afin d’établir qu’une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, au sens de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 2008/95, suffit-il que le demandeur à l’enregistrement démontre que, à la date pertinente, une proportion significative des milieux intéressés reconnaissait la marque et l’associait à ses produits, en ce sens que si ces personnes s’interrogeaient sur la personne commercialisant les produits revêtus de cette marque, elles identifiaient le demandeur ? Ou le demandeur doit-il démontrer qu’une proportion significative des milieux intéressés estimait que la marque (par opposition à toute autre marque pouvant également être présente) indiquait l’origine des produits ?
  2. Lorsqu’une forme consiste en trois caractéristiques essentielles, dont l’une résulte de la nature même du produit et dont les deux autres sont nécessaires pour obtenir un résultat technique, l’article 3, paragraphe 1, sous e), i) et/ou ii), de la directive 2008/95 s’oppose-t-il à l’enregistrement de cette forme en tant que marque ?
  3. L’article 3, paragraphe 1, sous e), ii), de la directive 2008/95 doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’enregistrement de formes qui sont nécessaires pour obtenir un résultat technique, au regard de la manière dont les biens sont fabriqués, par opposition à la manière dont les biens fonctionnent ? »

La Cour commence par inverser l’ordre des questions, puisqu’un signe fonctionnel ne peut en aucun cas être enregistré, et ne peut donc être sauvé par la démonstration qu’il serait devenu distinctif auprès du public concerné par l’usage long et intensif qui en aurait été fait.

Question 2

La Cour rappelle que le motif d’intérêt général qui justifie le refus à l’enregistrement de marques purement fonctionnelles, est « d’empêcher que le droit exclusif et permanent conféré par une marque puisse servir à perpétuer, sans limitation dans le temps, d’autres droits que le législateur de l’Union a voulu soumettre à des délais de péremption » (20 ans pour les brevets).

Cela implique que toutes les caractéristiques du signe en question relèvent d’un ou de plusieurs motifs de refus énoncés (le signe est constitué exclusivement par la forme imposée par la nature même du produit, par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique et/ou par la forme qui donne une valeur substantielle au produit).

Le refus d’enregistrement est donc subordonné à la condition qu’au moins un de ces motifs soit pleinement applicable au signe en cause.

Or, l’examinateur britannique avait estimé que la forme pour laquelle l’enregistrement est demandé était constituée de trois caractéristiques :

  1. La forme rectangulaire basique en plaque (forme résultant de la nature même des produits),
  2. La présence, la position et la profondeur des rainures disposées dans la longueur de la plaque, et
  3. Le nombre de rainures qui détermine, avec la largeur de la plaque, le nombre de « barres » (jugées nécessaires à l’obtention d’un résultat technique).

Aucun de ces motifs de refus ne s’applique aux trois caractéristiques à la fois, les rainures ne résultant pas de la nature des produits et la forme rectangulaire n’étant pas nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. La marque ne devrait donc pas pouvoir être refusée sur la base de ces motifs.

Question 3

Selon la Cour, « du point de vue du consommateur, les fonctionnalités du produit sont déterminantes et les modalités de fabrication de celui-ci importent peu ». La Cour rappelle sa jurisprudence concernant le refus du critère de la multiplicité des formes, en indiquant que « l’enregistrement d’un signe constitué par la forme uniquement attribuable au résultat technique doit être refusé même si le résultat technique en cause peut être atteint par d’autres formes, et par conséquent, par d’autres procédés de fabrication. »

En conséquence, la Cour fait une interprétation littérale de cet article et exclut de son champ d’application les formes imposées par le procédé de fabrication :

« Il convient de répondre à la troisième question que l’article 3, paragraphe 1, sous e), ii), de la directive 2008/95, qui permet de refuser l’enregistrement de signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, doit être interprété en ce sens qu’il vise la manière dont le produit en cause fonctionne et ne s’applique pas à la manière dont il est fabriqué. »

Question 1

Enfin, la Cour répond que, pour prouver que le signe a acquis un caractère distinctif par l’usage, le déposant devra démontrer que la forme dont il demande l’enregistrement en tant que marque, dans un usage séparé de son emballage ou de toute référence à la mention « KIT KAT », permet d’identifier le produit comme étant, sans confusion possible, la gaufrette KIT KAT commercialisée par Nestlé.

« Le demandeur à l’enregistrement doit apporter la preuve que les milieux intéressés perçoivent le produit ou le service désigné par cette seule marque, par opposition à toute autre marque pouvant également être présente, comme provenant d’une entreprise déterminée. »

Nestlé avait déjà été soumise à la même problématique concernant le slogan HAVE A BREAK : si la marque dont l’enregistrement est demandé peut avoir acquis un caractère distinctif en combinaison avec une autre marque, elle doit à un moment donné, pour être elle-même protégée en tant que marque à part entière, être susceptible de remplir la fonction d’identification de l’origine du produit à elle seule.

C’est bien là l’essence même du droit des marques.

© [INSCRIPTA]

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