Jusqu’à récemment, l’apposition en France d’une marque tierce sur des produits en vue de leur exportation n’était pas considérée comme un acte de contrefaçon si les produits marqués n’étaient pas commercialisés en France/en Europe, mais étaient destinés à être vendus dans un pays tiers où l’exportateur détenait les droits de marque.
Pourtant, l’apposition d’une marque en elle-même est un acte d’usage dans la vie des affaires, permettant notamment d’échapper à la déchéance.
Usage oui, contrefaçon non.
Il y avait là une incohérence, d’autant moins compréhensible que les textes français, issus de la transposition communautaire, sont clairs : selon les articles L. 713-2 et L. 716-10 du Code de la propriété intellectuelle, sont interdites, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction d’une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement, ainsi que l’exportation de marchandises présentées sous une marque contrefaisante.
Dans le cadre d’un litige complexe et ancien, opposant tant en Chine qu’en France une société française de négoce de vins et des négociants de vins chinois sans qu’aucune fraude n’ait été établie de part et d’autre, la Cour d’appel de Paris estima que le dépôt de la marque et son apposition en France sur plus d’un million de bouteilles exportées et distribuées en Chine constituaient des actes de contrefaçon (Cour d’appel de Paris, 4 septembre 2015, RG 14/18575).
Cette décision allait à l’encontre de la jurisprudence établie depuis 2007 (Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 juillet 2007, n° 05-18.571, marque Nutri-Riche) selon laquelle le conditionnement de produits avec apposition de la marque et la détention de produits marqués sans mise sur le marché en France mais uniquement en vue de leur exportation vers des pays tiers dans lesquels il n’est pas contesté qu’ils sont licitement commercialisés, procèdent d’un motif légitime. Un tel usage n’était donc pas considéré comme étant un acte de contrefaçon.
La Cour de cassation vient de confirmer la position de la Cour d’appel de Paris (Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 janvier 2018, Pourvoi 15-29.276) et modifie ainsi son interprétation des textes pour se conformer à la jurisprudence communautaire : la marque a été apposée en France, territoire sur lequel elle était protégée, la contrefaçon était donc constituée, alors même que les produits ainsi marqués étaient destinés à l’exportation vers la Chine.
Ce qu’il faut retenir
La cour d’appel avait jugé que « le dépôt de la marque contrefaisante est en soit un acte de contrefaçon ». Cette position est progressivement abandonnée par la jurisprudence actuelle.
Il est nécessaire de protéger sa marque dans chaque pays d’exploitation : pays d’origine (pays de fabrication et/ou d’apposition de la marque) et pays de destination (là où les produits sont vendus ou proposés à la vente).
L’exportation de produits vers la Chine nécessite l’apposition d’une marque en caractères chinois. Cette marque, qu’il s’agisse d’une traduction ou d’une translittération, doit être déposée dans le pays d’origine, où elle est destinée à être apposée (en France/Union européenne le cas échéant) et en Chine, où elle sera commercialisée. Plus généralement, il est recommandé de déposer la marque non seulement dans les pays de distribution, mais également dans les pays de fabrication.
Cas particulier. La translittération en idéogrammes chinois d’une marque en caractères latins vise à en permettre une prononciation par le public chinois proche de la prononciation française. Le dépôt à titre de marque de cette translittération est nécessaire, le dépôt en caractères latins ne protège pas sa translittération en chinois. En effet, la langue chinoise, très complexe, offre de multiples possibilités de translittérations. C’est donc au déposant français de déterminer quel signe chinois correspond le mieux à sa marque et de le protéger.
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