Le Code de la propriété intellectuelle dispose que le droit au brevet appartient à l’inventeur ou à son ayant-cause, c’est-à-dire à celui qui a acquis ses droits de l’inventeur lui-même (article L.611-6).

Cela signifie notamment que la personne sur les instructions ou les directives générales desquelles une invention est mise au point ne peut déposer un brevet en son nom propre, sauf à avoir légitimement acquis ce droit au brevet de la part de l’inventeur. Dans le cas contraire, le dépôt de brevet doit être considéré comme effectué en fraude des droits de l’inventeur et ce dernier a la possibilité d’en revendiquer la propriété en justice, conformément aux dispositions de l’article L.611-8.

Mais il faut croire que, dans le genre de situations dans lesquelles une commande est passée pour étudier la faisabilité ou l’éventuelle réalisation industrielle d’un procédé ou d’un produit permettant de résoudre une difficulté technique, la tentation est grande pour le donneur d’ordre de croire, de plus ou moins bonne foi, que le droit au brevet, le cas échéant, lui revient au motif qu’il aura eu l’idée à l’origine de l’invention.

Ce sont peu ou prou les circonstances qui ont donné lieu à un arrêt de la Cour d’appel de Paris, du 12 octobre 2012 (pôle 5, 2ème ch., RG N°2010/10211), dont nous simplifions quelque peu les faits.

Une société française avait confié à une autre société française une étude de faisabilité technique portant sur l’amélioration de l’usinage et du rendement de pièces qu’elle fabriquait habituellement. Quelques mois après la réalisation de l’étude, la seconde société française découvrit que la filiale américaine du donneur d’ordre avait déposé une demande de brevet américain, puis une demande d’extension PCT désignant entre autres la France, dont les revendications principales consistaient selon elle dans les solutions techniques intégralement contenues dans son étude.

Une revendication de la propriété des brevets en cause fut donc présentée au juge français.

La cour procède tout d’abord au constat de ce qu’il existait bien des relations contractuelles entre les parties, résultant d’échanges de documents, parmi lesquels certains consistaient en une commande de pièces répondant à des critères et caractéristiques définis, et les autres proposaient en retour une étude de faisabilité (comprenant essais, développement et usinage) pour parvenir aux résultats techniques souhaités.

La question était donc de savoir si les spécifications techniques incluses dans les termes de la commande d’essai de faisabilité constituaient une invention ou si celle-ci résultait du contenu de l’étude réalisée en réponse à la commande.

S’appuyant sur une analyse détaillée des échanges entre les parties et notamment sur la lettre de commande dans laquelle était demandée qu’il soit “imaginé un moyen pour parvenir aux résultats escomptés”, la cour en déduit que “la société [ayant passé commande] ne peut pas être considérée comme un inventeur mais uniquement comme le donneur d’ordre, celle qui pose un problème à résoudre et qui ne fait qu’indiquer le but à atteindre sans fournir la méthode ou les moyens pour y parvenir”. Elle n’a “fait que fournir […] des directives avec mission de parvenir à un résultat que ses capacités et ses moyens n’étaient apparemment pas en mesure d’atteindre”. Et c’est bien la société ayant procédé aux essais et aux développements qui, “à partir des paramètres techniques fournis […] a trouvé des solutions aux problèmes qui lui avaient été posés et a donc fait preuve d’esprit créatif”.

Et la cour d’en déduire que le donneur d’ordre s’est indûment “approprié les informations techniques [qui lui] avaient été communiquées” en déposant des demandes de brevet qui ne faisaient que reprendre la méthode technique préconisée par le réalisateur de l’étude de faisabilité.

Le transfert des brevets a donc été ordonné et le véritable inventeur rétabli dans ses droits et indemnisé de son préjudice.

Cette décision est l’occasion de rappeler qu’en matière de propriété intellectuelle, la commande de prestations n’emporte pas nécessairement cession des droits aux titres, qu’il s’agisse de brevets, de modèles, de droit d’auteur ou de marques. Ainsi, il est fortement recommandé de régler contractuellement, dès le commencement des relations commerciales, le sort des inventions ou créations à venir pour éviter toute déconvenue, parfois lourde de conséquences.

© [INSCRIPTA]

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