Au sens strict en droit de la propriété intellectuelle, on ne peut pas protéger un concept en tant que tel (1).

Pourquoi ? Tout simplement parce qu’un concept est une idée générale et abstraite et que les idées ne sont pas protégeables en droit d’auteur (2), et encore moins au travers des titres de propriété industrielle que sont notamment les brevets, les marques ou les modèles, puisque ces derniers portent sur des réalisations concrètes.

Cela peut sembler abrupt pour certains entrepreneurs qui ont construit leurs projets, et parfois bâti leur réussite, autour de ce qu’ils considèrent comme un ou des concepts innovants. Cela peut aussi sembler décourageant pour certains jeunes entrepreneurs, persuadés d’avoir trouvé LE concept idéal auquel personne n’avait encore pensé (3).

Mais comprenons-nous bien. Ce n’est pas parce qu’un concept n’est pas protégeable en soi qu’il ne peut pas faire l’objet d’une protection juridique en fonction de ses caractéristiques et portant sur les différents éléments qui le composent.

Si le nom du concept est nouveau et distinctif, il pourra éventuellement être déposé en tant que marque pour couvrir les activités de l’entreprise ou de la future entreprise, qu’il s’agisse de produits manufacturés ou de services.

Si le concept porte sur des applications nouvelles et inventives, il pourra éventuellement faire l’objet, indirectement, d’un dépôt de brevet pour couvrir le procédé de fabrication ou le produit fini.

Si le concept s’illustre par des choix esthétiques nouveaux et singuliers, ceux-ci et les objets ou les aménagements qui les intégreront pourront éventuellement être déposés en tant que modèles.

Si le concept se traduit par des créations originales, celles-ci seront éventuellement protégées par le droit d’auteur.

Si le concept repose sur un savoir-faire particulier ou individuel, celui-ci devra être encadré, répertorié et tenu secret à l’égard des rivaux, pour procurer et préserver un avantage concurrentiel.

Et bien entendu, si les éléments qui composent le concept sont efficacement protégés et encadrés en vertu de droits de propriété intellectuelle ou de propriété industrielle, le concept pourra globalement faire l’objet de contrats, de contrats de licence ou de franchise par exemple.

Ce sont ces contrats, reposant sur des éléments concrets, qui permettront de valoriser le concept.

Car attention, ce n’est pas parce qu’un concept n’est pas juridiquement protégeable en soi qu’il n’a pas de valeur commerciale. S’il est suffisamment abouti et repose sur une idée novatrice et potentiellement source de revenus, il attirera nécessairement les acteurs économiques du domaine d’activités considéré.

Il faut donc être en mesure de le mettre au point pour lui donner un contenu tangible, qui permettra de l’exploiter, mais il faut surtout en parallèle savoir le valoriser avec tous les outils juridiques possibles, qu’ils appartiennent au domaine de la propriété intellectuelle ou industrielle ou, plus généralement, au droit des contrats.

D’ailleurs, indépendamment des droits de propriété intellectuelle ou en l’absence de droits de propriété intellectuelle, c’est quasiment exclusivement sous cette condition de valorisation que le concept pourra éventuellement jouir d’une protection a posteriori en cas de copie ou d’imitation fautive de la part d’un tiers, par le biais de l’action en concurrence déloyale.

Du point de vue de l’investisseur, la prudence est bien évidemment de mise lorsque l’on évoque le terme de concept. Les mêmes règles s’appliquent à son endroit et il convient de procéder à un audit minutieux du concept proposé pour savoir si, en réalité, la coquille n’est pas totalement vide.

C’est ce qu’illustre une affaire récente. Un couple avait adhéré au concept d’un tiers consistant à investir dans des appartements, à les rénover ou les diviser, pour ensuite les mettre en location. Le couple avait souscrit un contrat de licence de marque pour utiliser le nom PHENICIO donné au concept et, en parallèle, un contrat de cession de droits sur le concept lui-même, qui s’est révélé financièrement désastreux. Voulant faire annuler ce dernier contrat pour défaut d’objet, estimant qu’il s’agissait d’un simple procédé de commercialisation, le couple s’est heurté à la Cour d’appel de Paris qui a considéré que l’opération n’était pas sans objet puisque « le concept a fait l’objet d’un dépôt de marque ».

La Cour de cassation cassa fort justement cette décision au motif que la marque faisait l’objet d’un contrat de licence de marque distinct de celui dont la nullité pour défaut d’objet était demandée (4). En filigrane, la cour de cassation laisse donc entendre que certes, il existait bien une marque qui donnait un objet au contrat de licence de marque, mais que le contrat de cession de droits sur le concept pouvait fort bien, quant à lui, être dénué de toute substance. Ce sera à la cour d’appel de renvoi de se prononcer sur ce point.

Le mot concept est à la mode dans la vie des affaires. Il peut être la clé de la réussite pour certains et la source de grandes désillusions pour d’autres. Ce qui semble vérifié tout du moins, c’est que la recherche constante de l’innovation commerciale reste vraisemblablement la meilleure clé vers le succès.

D’un point de vue strictement juridique en tout cas, le mot concept n’a pas grand sens et il ne faut pas commettre l’erreur de s’intéresser uniquement à l’enveloppe sans évaluer son contenu.

© [INSCRIPTA]

(1) Cet article s’inscrit dans la conception française du droit de la propriété intellectuelle. Il emploie à dessein certains raccourcis dans une optique de vulgarisation.

(2) On dit que les idées sont de libre parcours. Elles appartiennent à tous, ou plutôt n’appartiennent à personne.

(3) Le dictionnaire Larousse définit notamment le concept de la façon suivante « manière dont une entreprise est conçue ; idée générale, projet ».

(4) Cass. Com., 4 février 2014, Pourvoi E 12-21.695.

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