Dans les Mille et Une Nuits, une incantation magique permettait d’ouvrir une porte recelant de précieux trésors. Dans le monde du droit de la propriété intellectuelle, faire reconnaître des droits d’auteur sur un portail demande davantage d’efforts qu’une simple incantation.

Le fabricant de portails TSCHOEPPE a assigné en contrefaçon de droits d’auteur une société à qui elle avait adressé un devis pour la fourniture et l’installation d’un portail en aluminium, qui n’avait pas donné suite à la proposition mais qui avait fait fabriquer et installer, quelques mois plus tard, ce qui lui semblait être une copie servile de son modèle de portail.

Le Tribunal de grande instance de Strasbourg avait conclu à la contrefaçon de droits d’auteur (jugement du 19 novembre 2014). La Cour d’appel de Colmar fut moins ouverte d’esprit (1ère ch. civ., section A, 1er juin 2016) et considéra qu’il n’était pas justifié de la réalité d’une œuvre créatrice méritant protection. Plus précisément, l’examen du modèle permettait de constater qu’il s’agissait « d’un portail à deux battants pleins, dont la forme extérieure est tout à fait banale » et que, même si le dessin intérieur de l’un des panneaux présentait des caractéristiques particulières, « la structure de l’un des panneaux ne peut constituer, à elle seule, une conception originale méritant protection ». La cour releva également « l’existence de portails commercialisés présentant des caractéristiques extérieures identiques » dans les pièces fournies par la société poursuivie.

Sanction sévère de la Cour de cassation : « en se déterminant ainsi, sans préciser la date de ces documents et sans porter son appréciation sur la combinaison des caractéristiques revendiquées par les sociétés Tschoeppe, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard » de l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle (1ère ch. civ., 12 septembre 2018, R/2017/18390).

Pourquoi ? Parce que « l’originalité dʼune œuvre doit être appréciée dans son ensemble au regard des différents éléments qui la composent, pris en leur combinaison ».

En réalité, la Cour de cassation sanctionne la cour d’appel pour ne pas avoir respecté les règles d’appréciation de l’originalité. C’est le raisonnement qui est en cause, pas la solution en tant que telle. Selon les juges du droit, la cour d’appel n’aurait pas dû se contenter de critiquer l’originalité de certaines des caractéristiques du modèle mais aurait dû procéder à une appréciation d’ensemble de toutes les caractéristiques du modèle avant de conclure à un éventuel défaut global d’originalité.

La partie est donc loin d’être gagnée pour le fabricant du portail. Il lui faudra profiter de la procédure devant la juridiction de renvoi pour tenter d’étayer son argumentation et faire en sorte de convaincre les juges de l’originalité de son modèle. Et l’on sait qu’en matière d’arts appliqués, l’originalité est de moins en moins reconnue par les tribunaux.

Sans préjuger de la décision finale qui sera retenue, cette affaire illustre en tout cas l’utilité, dans certaines industries, de déposer des modèles dont la validité ne repose pas sur les mêmes critères que le droit d’auteur.

© [INSCRIPTA]

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