« Sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique des produits ou services couverts par la marque ; (…) il est indifférent que les caractéristiques des produits ou services qui sont susceptibles d’être décrites soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires ».

Telle est la décision rendue par la Cour de cassation dans une affaire opposant les marques françaises GIANT et PIZZA GIANT SODEBO. La société Quick avait assigné la société Sodebo en contrefaçon de sa marque GIANT, en concurrence déloyale et parasitaire, et en nullité de la marque PIZZA GIANT SODEBO. En défense, Sodebo avait reconventionnellement demandé l’annulation de la partie française de la marque internationale Giant et, à titre subsidiaire, la déchéance des droits de Quick sur cette marque.

La question principale tourne donc autour du caractère distinctif de GIANT pour des mets préparés, condition première de la validité d’une marque, puisqu’on ne saurait monopoliser un terme décrivant une qualité d’un produit ou nécessaire pour désigner ou valoriser ce produit.

Le Tribunal de grande instance de Paris a estimé que GIANT n’était pas distinctif et a prononcé la nullité de la marque : « Le mot GIANT est un adjectif anglais signifiant géant ou encore énorme en langue française. Il doit être relevé avec la défenderesse que ce terme, du fait notamment de sa proximité avec l’adjectif français géant, est très facilement compris par le consommateur français, habitué par ailleurs au recours à des mots anglais notamment dans le domaine du commerce et surtout dans le domaine des fast-food, d’origine anglosaxonne. En outre, dans le domaine des produits alimentaires, il est courant d’utiliser des adjectifs qui décrivent la caractéristique mise en avant, notamment s’agissant des quantités importantes ou réduites. En l’espèce, le terme GIANT a vocation à désigner la dimension importante de l’aliment et ne sera perçu que comme tel par le consommateur. En conséquence, le terme GIANT est dépourvu de toute distinctivité » (TGI Paris, 24 octobre 2013, RG n°12/10515).

Partant du même constat, la Cour d’appel de Paris adopte pourtant une position différente, estimant que la marque relève de l’évocation et non de la désignation : « Considérant que le mot anglais « giant » par sa proximité linguistique avec son équivalent en langue française, était à la date du dépôt de la marque GIANT le 14 juin 2006 compris du consommateur francophone comme signifiant géant et par extension, énorme ; qu’il s’ensuit que ce terme suggère, d’une manière générale et impersonnelle pour l’ensemble des produits et services visés, la dimension particulièrement importante de la portion des produits ou l’importance des services exploités sous ce signe ; considérant que le fait qu’une entreprise souhaite ainsi conférer une image positive à ses produits ou services, indirectement et de façon abstraite, sans pour autant informer directement et immédiatement le consommateur de l’une des qualités ou des caractéristiques déterminantes des produits ou services concernés, relève de l’évocation et non de la désignation au sens de l’article L.711-2 sous b) » (CA Paris, 14 avril 2015).

La Cour d’appel entend faire une approche pragmatique : le message véhiculé par la marque est-il déterminant pour le public concerné dans le choix du produit et son acte d’achat ?

Cette approche est censurée par la Cour de cassation. Il suffit que la marque décrive une des caractéristiques du produit pour qu’elle soit descriptive, peu importe que cette caractéristique soit essentielle ou accessoire.

La Haute Cour reprend mot pour mot un arrêt de principe de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 12 février 2004, aff. C-363/99, « Postkantoor », Point 102) : « ll est également indifférent que les caractéristiques des produits ou services qui sont susceptibles d’être décrites soient essentielles sur le plan commercial ou accessoires. En effet, le libellé de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive ne distingue pas selon les caractéristiques que les signes ou indications composant la marque peuvent désigner. De fait, à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend ladite disposition, toute entreprise doit pouvoir utiliser librement de tels signes ou indications pour décrire n’importe quelle caractéristique de ses propres produits, quelle que soit son importance sur le plan commercial. »

Quick connaît bien le problème des marques descriptives pour avoir vu sa marque refusée par l’office des marques de l’Union européenne : « le terme « quick » est composé exclusivement d’une indication pouvant servir, dans le commerce, pour désigner une qualité importante des produits concernés, c’est-à-dire la rapidité avec laquelle ils peuvent être préparés et servis. Ainsi, appliqué aux produits en cause, ce terme suscitera immédiatement dans l’esprit du consommateur anglophone de la Communauté l’idée qu’il s’agit de produits qui peuvent être préparés et servis rapidement. Il en résulte que le vocable Quick permet au public ciblé d’établir immédiatement et sans autre réflexion un rapport concret et direct entre ce signe et les produits visés par la demande d’enregistrement en cause » (Tribunal de l’Union européenne, 27 novembre 2003, aff. T-348/02).

Cette interprétation de la loi a le mérite de garder une certaine objectivité lors de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque et de ne pas le subordonner au plan marketing du déposant, qui peut largement évoluer au cours de la vie de la marque.

© [INSCRIPTA]

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